mardi 1 septembre 2009

UTMB 2009 - Le récit de la course de Maryse




Poitiers, lundi 31 août 2009.
C’est pourtant en pleine forme malgré ma fatigue de cette année et relativement confiante (il y a toujours une petite pointe d’inquiétude : on se demande si on va réussir ou non) que je prends le départ ce vendredi 28 août 2009 mais je ne parcourrais qu’une quarantaine de kilomètres terrassée par une déshydratation.

Les entrainements de cet été, même s’ils ont été difficiles au début, m’ont permis, peu à peu, de retrouver ma forme, seul petit hic, une dizaine de jours avant le départ du trail, alors que je suis en vacances à Pralognan, une petite douleur me prend dans le dos, une douleur que je connais bien puisque je me démets régulièrement ce point et que mon kiné le remet en place sans problème. Je décide donc de voir un médecin sur place pour qu’il me prescrive un rendez-vous chez le kiné mais, sans même m’observer, le médecin que je rencontre, diagnostique un virus voisin de la gastro-entérite qui frappe aux mi-saisons et particulièrement virulent cette année puisque, selon ses dires, il en voit 3 à 4 par jour en ce moment. Il ne faut surtout pas masser, me dit-il. Dans quelques jours, avec le traitement qu’il me prescrit tout sera rentré dans l’ordre. Je suis un peu surprise, certes, mais en même temps je fais confiance (il est médecin pas moi !). Cependant, le traitement proposé ne fait aucun effet : à peine les médicaments terminés, la douleur revient. Inquiète, le mercredi qui précède le départ, alors que je suis à Chamonix, je décide d’appeler mon médecin à Poitiers. Comme elle n’est pas rentrée de vacances, je contacte celui de mon mari qui me connaît aussi. Tout de suite, il me dit que c’est délicat pour lui, à distance et avec si peu de temps, de me soigner. Il me demande si je tiens vraiment à faire la course et comme je réponds par l’affirmative, il me propose de me masser jusqu’au jour du départ avec un mélange de crème et de prendre des anti-inflammatoires pendant le trail si j’ai mal. Il me met bien en garde : ce n’est pas l’idéal d’autant que je souffre d’une œsophagite et que les anti-inflammatoires sont vivement déconseillés (je n’en prends, effectivement, jamais).  

            18h30, vendredi 28 août, je prends donc le départ aux côtés de Didier et Jacky. En quittant le centre de Chamonix, j’aperçois Serge dans la foule des spectateurs : son visage est marqué par l’émotion de me voir partir. Jusqu’aux Houches, tout se passe bien. Baptiste, le fils de Didier nous accompagne ! C’est super sympa ! Je commence, cependant, à sentir mon point dans le dos. Ce n’est pas très douloureux mais c’est là et j’hésite à prendre tout de suite un anti-inflammatoire avant que ça ne dégénère. Finalement, je décide de continuer mon chemin et commence à entreprendre la montée du col de la Charme. Il est 20h40 quand je m’arrête : il faut que je sorte ma frontale. J’en profite, mon sac est ouvert, pour prendre un cachet de Surgam pensant que je serai tranquille (quelle malheureuse idée !!!). Je mange une barre de céréales et m’hydrate bien comme  me l’a conseillé le médecin et me voilà repartie ! Je retrouve Didier et Jacky dans la descente. Au moment où je les double, ne les voyant pas (ils se sont changés et il fait noir !) Jacky me dit : « Eh ! Maryse ! Tu pourrais mettre ton clignotant quand tu doubles ! ». Nous descendons tous les trois jusqu’à Saint Gervais et c’est là que les ennuis vont commencer pour moi !


            Alors que nous entamons la montée vers les Contamines je ressens des fourmillements dans la nuque et les épaules. Mes bras deviennent tous mous et la tête commence à tourner. Je fais signe à Didier qui, me voyant ralentir, m’encourage, de me laisser. De toute façon, et je l’ai assez répété, je veux faire la course seule : je n’ai pas le rythme des garçons, surtout dans les côtes ; il vaut mieux que nous gérions notre course chacun de notre côté ! J’avance lentement en essayant de bien respirer et de me détendre mais je ne peux même pas courir dans les faux-plats ! Je me sens de plus en plus faible et vers 22 heures c’est le premier vomissement. Curieusement, après, je me sens beaucoup mieux, allégée et je me dis que c’est bon, ça va passer. Je repars d’un bon pas. Je recommence à courir mais à peine 10 minutes après les nausées recommencent et, arrivée en haut des Contamines, je vomis pour la 2ème fois. Quand je croise Nathalie et Baptiste Maître qui sont venus nous encourager, je fais comprendre à Nathalie que je me sens mal mais j’essaie de continuer mon chemin. La montée vers la Balme va être un véritable purgatoire ! Je m’accroche à mes bâtons pour pouvoir avancer mais je suis de plus en plus mal ; je n’ai plus de force. Quand je passe devant Notre Dame de la Gorge je repense à l’anniversaire de Christian que nous avions fêté, ici, l’année précédente, j’étais si bien alors ! Je m’oblige, bien que je n’en ai pas du tout envie, à m’hydrater (juste une petite gorgée d’eau car ça me lève le cœur à chaque fois) et à manger; j’ai d’abord essayé un gel pour me donner un coup de fouet, mais je n’ai pas pu, puis une vitamine C, même chose, rien ne passe. Avant d’atteindre la Balme je vais vomir 6 ou 7 fois ! Comme si les nausées ne suffisaient pas, je me mets à souffrir de terribles crampes dans les jambes. Je n’ai décidément pas de chance ! Mais ce qui m’inquiète le plus c’est que j’ai la tête qui tourne de plus en plus, je suis un peu dans un état second. Alors, j’essaie de compter mes pas pour rester lucide et je m’accroche à mes bâtons pour avancer ; sans eux, je ne suis pas sûre que j’aurais atteints le ravitaillement. Entre temps, je décide de changer de tee-shirt car je suis trempée. Durant toute cette terrible montée, je ne me suis jamais sentie seule ; à chaque fois des coureurs se sont arrêtés pour me demander si j’avais besoin d’aide. Je leur disais de poursuivre leur chemin et de ne pas s’inquiéter pour moi mais c’est là que l’on prend conscience de la solidarité entre traileurs. C’était vraiment sympa et rassurant !
            Arrivée à La Balme, une dame du poste de secours me demande : « Êtes-vous sûre que ça va bien, Madame ? ». Je lui réponds que j’ai juste besoin d’une boisson chaude; à ce moment-là, j’ai encore l’espoir de me remettre sur pieds et de pouvoir poursuivre mon chemin même si je m’inquiète de la montée au col du Bonhomme. Lorsque j’arrive devant la table du ravitaillement, j’ai du mal à décrocher ma timbale pour qu’on me serve un thé car je tremble beaucoup. Je vais m’asseoir sur un des bancs qui sont installés à proximité d’un feu de camp mais, à peine ai-je avalé ma première gorgée que je revomis tout, illico. La dame des secours vient alors me proposer de me mettre au chaud dans le poste de secours. Elle me rassure en me disant : « Ne vous inquiétez pas, vous avez encore du temps avec la barrière horaire ». Une fois entrée, elle m’installe sur un lit de camp. Comme je n’ai plus de vêtements secs, les secouristes prennent mes deux tee-shirts pour les faire sécher et me couvrent avec des couvertures chaudes qu’ils viennent changer régulièrement. Je n’arrête pas de trembler et de claquer des dents. Ils me donnent une bouillotte. Peu de temps après, un monsieur entre et annonce qu’il ne reste qu’un quart d’heure avant la fin de la barrière horaire. A ce moment-là, je comprends que la course est finie pour moi ! Je suis incapable de me mettre debout ! J’imagine la déception de Serge, de mes enfants qui croyaient tous beaucoup en moi et m’ont accompagnée tout au long de cette préparation ; Serge a fait tous les entrainements avec moi malgré sa douleur au genou. Il m’a constamment encouragée. Je veux à tout prix lui téléphoner pour le prévenir mais il n’y a pas de réseau et j’ai peur qu’il s’inquiète quand il verra que je tarde à la prochaine barrière ! Un médecin s’approche de moi pour me faire une analyse de sang et vérifier mon taux de glycémie. Il est bon ! Ce n’est qu’une déshydratation consécutive aux vomissements répétés ! Quel gâchis ! Je suis si triste, si frustrée ! Je ne repartirai qu’avec la fermeture du poste de secours car je suis vraiment mal en point ! Et c’est en 4 X 4 que je rejoindrai les Contamines où je peux, enfin, joindre Serge au téléphone. De là, un bus, me ramènera jusqu’à Chamonix !  Je suis effondrée ! Et ce, d’autant plus que, mes parents voulaient me faire la surprise d’être là, avec ma fille Anne, pour mon arrivée, le lendemain ! Nous leur téléphonons afin qu’ils ne prennent pas la route inutilement ! C’est affreux ! J’ai honte d’avoir cédé à une petite douleur de rien. Si je n’avais pas pris ce médicament je serai peut-être en forme et avec les copains (?!)

            C’est François Meunier qui m’a proposé d’écrire : il souhaite que tous les participants puissent raconter leur vécu même s’il n’a été que de courte durée comme le mien. Il pense que cela peut être utile pour les autres mais aussi pour moi. Sur le moment je ne m’en sens pas capable tellement je suis déçue. Puis, finalement je décide de m’atteler à la tâche en me disant qu’en effet, c’est bien d’écrire quand on a été capable de relever un défi (on est heureux de raconter ses exploits !) mais c’est peut-être pas mal aussi de le faire quand on n’a pas réussi (les échecs font partie de la vie et il faut les assumer). Tout en écrivant, je me rends compte que je prends de la distance par rapport aux évènements ; c’est un peu comme une thérapie : cela m’aide à mieux accepter ce qui m’est arrivé même si c’est encore difficile à digérer. En tous cas, une chose est sûre, si rien ne s’y oppose, je retente le coup l’an prochain ! Avec Serge, nous rêvions de vacances plutôt « touristiques » et calmes mais il a bien compris que je ne peux pas rester sur cette frustration ! C’est comme si je n’avais pas pris le départ : courir à peine 40 kilomètres lorsqu’il y en a 166, ce n’est rien ! Seul aspect positif, en courant si peu, je n’ai pas entamé mes forces et dès que mon dos sera remis je pourrai reprendre les entrainements d’un bon pied ! Comme me le disait Serge lorsque nous nous sommes retrouvés sur Chamonix dans la nuit de vendredi à samedi : « Il y a des années avec, ça a été une année sans. Maintenant que le yo-yo est complètement descendu il n’a plus qu’à remonter ! ». Cette petite phrase m’a fait un bien fou. Comme toujours ses paroles sont réconfortantes !

            Ce matin Eric m’a téléphoné. Quel bonheur d’entendre sa voix mais aussi, paradoxalement, quelle douleur ! Il a ravivé la plaie encore mal refermée ! 
Mais c’est décidé, à partir de maintenant  je ne pense plus au passé, il faut que je me tourne vers l’avenir. Demain c’est la rentrée des classes, le train-train quotidien va reprendre et avec lui les entrainements. 
C’est un nouveau départ et je suis en forme pour l’aborder ! 
Et encore merci à tous ceux qui m’ont envoyé des messages d’encouragements. 
Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point cela fait chaud au cœur !

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